Le cimetière de Tresanti

 

Le petit cimetière retiré de Tresanti conserve entre ses murs un souvenir important pour l’identité profonde de cette petite communauté. Lorsqu’on y pénètre, en face se dressent trois chapelles qui se développent orthogonalement à la dimension majeure de l’enceinte murée : celle de gauche recueille, entre autres, les restes de Bruno Zanoboni, un jeune de 20 ans, né et ayant vécu à Tresanti, décédé le 9 août 1940 à l’hôpital de Turin.
Que s’était-il passé à ce jeune homme ? Laissons les mots à Andrea Pestelli qui, dans un livre récent, a figé à jamais le souvenir : le 9 août 1940, Zanoboni Bruno est décédé à l’hôpital de Turin des suites d’une maladie, appartenant au 4e Régiment du Génie (Téléphéristes) ; dans le même régiment militait également un autre Montespertolese (Ettore Borelli, classe 1919) qui a témoigné à Pestelli de son souvenir de l’ami : “Au moment de la déclaration de guerre à la France, nous étions à Peschiera sul Garda. L’ordre est venu de partir pour le front et le 20 juin, nous sommes arrivés dans les Alpes à Bardonecchia, avec les mêmes vêtements d’été que nous avions sur le Garda. Nous avons planté nos tentes dans un pré à près de 1500 mètres d’altitude et y sommes restés jusqu’au 15 août ; les nuits étaient froides, nous n’avions pas de couvertures lourdes et les tentes ne garantissaient absolument pas l’étanchéité à la pluie. Zanoboni est tombé malade et a été transféré à l’hôpital de Turin. Ce n’est que plus tard que j’ai appris sa mort. Il était le fils du fermier du prêtre de Tresanti”.
En lisant ces quelques lignes, on ne peut s’empêcher de penser à la rhétorique du régime fasciste qui a envoyé à l’abattoir, totalement impréparés, même en termes d’habillement et non seulement d’armement, des centaines de milliers de jeunes paysans. Bruno, on peut le croire, n’avait probablement jamais vu dans sa jeune vie les montagnes, le Nord de l’Italie et le lac de Garde, n’avait rien contre les Français qu’on lui demandait de tuer, n’est même pas arrivé au point de combattre car il est mort de froid avant. Le régime, qui clamait haut et fort la nécessité de la guerre où il trouverait sa gloire impériale aux côtés du nazisme et de l’Allemagne, ce régime n’a même pas été capable de fournir à Bruno et Ettore des vêtements et une tente adaptés au climat de la montagne. Et ainsi Bruno y a trouvé la mort, seul et loin de sa famille bien-aimée. Sachant tout cela, aujourd’hui, en regardant la photo de ce jeune paysan, dont les restes reposent à côté de ceux de son père Giuseppe, on ne peut s’empêcher de ressentir une infinie compassion et tristesse.

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